Vidéo #15
2008
Installation vidéo
Depuis le début de sa carrière, Amilcar Packer explore la relation entre le corps et son environnement et en mesure les possibilités et les limites au moyen d’assemblages temporaires qui réunissent son propre corps, ses vêtements, ses meubles et des éléments architecturaux d’espaces clos. Ses expériences en studio, à la Nauman, absurdes en apparence, ont débouché d’abord sur des performances photographiques. Plus récemment, il a produit des œuvres photographiques et vidéographiques plantées dans un décor urbain.
Video #15, installation vidéo à deux canaux, témoigne de ses efforts tenaces pour rester assis sur une chaise dans un espace clos, sans fenêtres ni portes. L’image est présentée sous deux angles différents mais simultanément au spectateur qui se trouve entre des écrans symétriquement opposés, comme s’il était lui-même piégé dans la pièce. Un bruit sourd se fait entendre, tandis que la pièce tremble puissamment et que le corps de l’artiste est projeté violemment sur les murs. Il faut un moment pour comprendre que l’action se déroule dans la boîte d’un camion en mouvement.
Sans aborder directement aucun de ces thèmes, l’installation n’en suggère pas moins un éventail de situations liées au pouvoir biopolitique : torture, déplacement forcé, trafic transfrontalier d’immigrants. L’œuvre et les images qu’elle suscite sont autant d’exemples de circonstances où le corps est soumis à des forces ou à un pouvoir extérieurs. Et tout en exposant la fragilité du corps, Video #15 en accentue la détermination, puisque l’artiste retourne constamment à sa position initiale.
Parálisis (Paralysie)
2005
Vidéo, 2 min 15 s
Dans cette animation vidéo, la nature même est victime des névroses des habitants des mégalopoles telles que la ville de Mexico, où l’artiste a exécuté cette pièce. Sur le trottoir, des arbustes à bout de nerfs hurlent, tremblent et grognent à l’adresse des passants, comme s’ils étaient consumés par leurs angoisses et une tristesse sans fard. La vidéo montre une espèce particulière d’arbre buissonnant, très courant dans les villes de Lima et de Mexico : le figuier pleureur. Cet élément, à la fois commun et étrange dans le paysage urbain, symbolise la contrainte et la volonté paranoïaque de contrôle qui touchent même la nature, ces plantes étant toujours confinées par des bordures de béton ou d’asphalte et taillées en formes diverses comme sous le coup d’une obsession kitsch. Le mouvement inattendu de ces éléments en fait le signe d’une petite révolution au quotidien.
Stereo Reality Environment 3 : Brutalismo
2007
Installation interactive
Stereo Reality Environment 3: Brutalismo se situe au cœur d’architectures et d’archétypes physiques et sociaux. Pour ce projet, l’artiste a reproduit le « Pentagonito », une architecture qui abrite les services secrets péruviens. Son nom est inspiré du Pentagone, célèbre bâtiment du département américain de la Défense. Il s’agit d’une maquette mécanisée, qui sert de cocon à des images et à des textes qu’elle expulse ensuite. L’association entre ces « brutalismes » évoque des liens dualistes, issus de la sombre histoire du Pentagonito et juxtaposés à une forme elle aussi brutale.
Collection du Tate Modern
Armas.Obj. (Armes.Obj.), 2008
Objets en papier de dimensions variables
Les pistolets, mitraillettes, carabines et fusils pour tireurs d’élite reconstruits en papier par Gisela Motta et Leandro Lima sont inspirés de ceux qu’utilisent plusieurs jeux vidéo populaires de tir en vue subjective, sous-genre assez vaste de jeux d’action dont les personnages utilisent diverses armes. Mais les fusils de ces jeux sont eux-mêmes des représentations numériques d’armes à feu véritables et populaires, dont la plupart sont associées à un conflit ou un pays spécifique. En plus de leur donner une allure très réelle, leurs concepteurs tentent généralement d’imiter le fonctionnement d’armes véritables pour procurer au joueur une expérience réaliste.
Les deux artistes ont cannibalisé les jeux afin d’en extraire les fichiers tridimensionnels d’origine qu’ils ont transformés en fichiers bidimensionnels, pour ensuite imprimer les modèles papier grandeur nature et les assembler. À distance, ainsi disposées sur le mur de la galerie comme le sont les collections traditionnelles d’armes à feu, les pièces ressemblent à de véritables armes, puisque leur tridimensionnalité leur donne « poids » et volume. Mais en s’approchant, le spectateur s’aperçoit qu’il s’agit de reproductions, les artistes ayant conservé la simplification polygonale et la qualité graphique des fichiers de jeu.
Cette série traite de l’incidence complexe de la technologie sur la perception, et soulève cette question : l’expérience virtuelle est-elle moins réelle que « la vraie vie »? Le lien entre l’exposition à la violence des jeux vidéo et les comportements agressifs est un sujet litigieux, qui suscite des débats depuis une décennie. Ramenées dans le monde tangible, ces armes semblent retrouver, ne serait-ce que temporairement, la gravité qu’elles ont dans le monde réel.
Alvo (Cible)
2008
Installation interactive
Quand un spectateur passe en un point déterminé de l’espace d’exposition, son image est saisie en temps réel par une caméra reliée à un ordinateur; un logiciel capte le signal et décode l’image grâce à un processus appelé « pistage », tout en fournissant des coordonnées. Cette information sert au positionnement d’une cible qui est projetée sur le corps du visiteur et le suit dans tous ses mouvements. Il y a une seule cible et elle « choisit » le visiteur qui se déplace le plus. S’il n’y a aucun mouvement dans la zone désignée, l’ordinateur ne capte aucun point de référence sur lequel projeter la cible et l’espace reste vide.
L’installation rend visible l’état de paranoïa constante dans lequel vivent tant d’habitants de São Paulo, qui se sentent comme des victimes potentielles de la violence urbaine, mais qui sont aussi de plus en plus surveillés par les dispositifs de sécurité omniprésents que sont les caméras en circuit fermé, les capteurs qui déclenchent des alarmes et même les gardiens de sécurité armés jusqu’aux dents engagés par des particuliers. L’œuvre expose ainsi la mince démarcation entre les notions d’agression et de protection, nous rappelant que les espaces et les situations sous la surveillance excessive de mesures de sécurité extrêmes peuvent devenir aussi menaçants et intimidants que s’il y avait eu crime. Suivant la logique de la panoptique, cette installation interactive renvoie aussi au sentiment de persécution issu du risque de voir la technologie de surveillance moderne exercer le « pouvoir de l’esprit sur l’esprit ».
Run>Routine
2007
Projections vidéo informatisées
Run>Routine est un projet né de l’observation des activités auxquelles les gens s’adonnent tous les jours et qui sont fondées sur des routines informatiques, par exemple, le choix du fichier d’une chanson ou d’une vidéo dans un lecteur avec interface graphique, fondé sur un processus répétitif étranger au monde dans lequel nous vivons et écoutons normalement. Le titre est partie intégrante de l’œuvre. En langage informatique, en effet, « run » est une sorte de répétition associée à l’exécution de commandes, de scripts, de programmes ou de routines de programmation. Autrement dit, c’est une commande qui déclenche divers événements. Le mot « routine » souligne le caractère ironique du projet, puisqu’il n’évoque pas tant une habitude que la répétition de petits incidents du quotidien.
Run>Routine associe les routines de l’encodage aux routines domestiques. Si les premières sont « programmables » et en principe infaillibles, les secondes ont presque toujours des résultats imprévisibles. Mais toutes peuvent apporter leur lot de vicissitudes.
L’œuvre est composée d’un système synchronisé à deux écrans, dont l’un exécute le script de programmation qui déclenche les vidéos de manière aléatoire et l’autre présente les séquences vidéo des incidents, soit la chute d’objets qui génère de brèves séquences chaotiques attirant à leur tour l’attention des spectateurs de manière singulière et brève.
Satellite Cities
2009
Installation interactive
Avec Satellite Cities, Nicole Franchy poursuit un questionnement sur la croissance accélérée des villes chinoises du delta de la rivière des Perles. Cette vaste région urbaine, maillage d’architectures et de paysages sillonné par 1500 kilomètres de routes, compte trois villes et cinq aéroports. Ce grand organisme parasite, parfait en apparence, présente pourtant des dysfonctionnements attribuables à sa croissance vertigineuse : des complexes industriels et des villes fantômes coupés des réseaux routiers abandonnés. À partir de cette description, Nicole Franchy offre une analogie entre les tracés de circuits électroniques et ces nouveaux modèles de croissance urbaine. Son installation interactive est fondée sur une vision dystopique de la société contemporaine ainsi que des caractéristiques techniques d’un circuit : tous deux s’apparentent à une nomenclature technologique. L’artiste extrait des constantes architecturales et en fait les standards de trois motifs structurant le modèle de trois villes. L’installation résultante est un réseau translucide semblable à celui d’un organisme vivant dont on pourrait observer les organes internes en action. Ce système, lui aussi parfait en apparence, est pourtant doté de fonctions paradoxales : les routes dont l’image est projetée sur un diorama transparent ne relient pas les différentes zones entre elles mais, bien au contraire, les isolent.
Grand Canyon
2008
Vidéo, 4 min 12 s
Tandis que South Pole et Tokyo misent sur des effets de rapprochement et des plans-séquences, Grand Canyon présente plusieurs plans saisis à des vitesses et sous des angles différents, qui ont ensuite été l’objet d’un montage. Cette fois, la caméra se déplace surtout au-dessus des terres désertes qui bordent le canyon, et la trame sonore joue en mode nerveux et mystérieux.
Les mouvements de caméra donnent lieu à une gamme d’effets visuels : les montagnes surgissent ou disparaissent comme si la Terre vivait et palpitait. En réalité, ces effets résultent de l’action combinée de la vitesse de connexion et des commandes de navigation, qui influent sur la vitesse de déplacement de la caméra et le rendu des images.
Le Grand Canyon est l’un des rares endroits modélisés en trois dimensions dans Google Earth, et c’est aussi l’une des pages les plus populaires.
South Pole
2008
Vidéo, 3 min 3 s
South Pole s’ouvre sur des images abstraites et des formes géométriques qui se transforment lentement et ressemblent parfois à un iris. Lumière et noirceur oscillent à l’écran, sur un fond musical qui évoque un certain mystère, jusqu’à ce qu’une vive lumière blanche finisse par dominer. Le rythme hypnotique et les images mystérieuses demeurent jusqu’aux trois quarts du film environ.
Puis la caméra amorce un recul et révèle les contours de cette masse blanche bordée de taches bleu vif. Ce n’est qu’à la toute fin, quand elle fait apparaître les contours de la planète, que nous comprenons enfin ce que nous venons de voir. Ce territoire glacé, désolé et largement inconnu, est représenté ici au centre du globe, ce qui le fait paraître plus proche, plus accessible.
Élément de la trilogie Google Earth de Rodrigo Matheus, cette vidéo révèle à quel point nos pulsions voyeuristes sont aiguillonnées à l’idée d’une technologie qui dévoile sur l’écran de notre ordinateur des lieux distants, auparavant inaccessibles. Suivant la logique du programme, nous concluons alors que la caméra a commencé par scruter de près le territoire réel pour nous montrer le pôle Sud tel qu’il est vraiment. Or, les satellites ne peuvent pas enregistrer les images de cette région du globe, qui est couverte de neige et qui, par conséquent, réfléchit la lumière blanche. Ce que l’artiste a mis sous nos yeux est un ensemble de formes et de couleurs mouvantes, qui frustre notre désir de voir ce qui n’a jamais été vu.
Tokyo
2008
Vidéo, 6 min 25 s
Au premier regard, on ne voit qu’une image floue, composée d’éléments indistincts. Mais à mesure que la caméra s’éloigne, lentement, on aperçoit des blocs gris unis qui semblent flotter au-dessus de ce qu’on peut maintenant assimiler à une sorte de scénario suburbain, où des rues d’apparence tranquille sont bordées de maisons. Le lent mouvement de la caméra s’accompagne dès lors d’une cacophonie de voix parlant une langue étrangère, vraisemblablement le japonais.
Quelques secondes encore et l’usager d’Internet un tant soit peu averti se trouve en territoire connu. Il devient évident en effet qu’il s’agit d’une caméra de Google Earth qui révèle graduellement les contours d’une ville. Simultanément, les sons, toujours plus discordants, ajoutent de la tension à une vidéo qui semble autrement ordinaire. Bientôt, quelques logos d’entreprises surgissent à l’écran comme pour signaler des lieux repérés au moyen de données satellites.
Mais le zoom arrière se poursuit et les logos prolifèrent, au point de couvrir presque entièrement la zone représentée. Le son s’éteint peu à peu et les logos commencent à vibrer follement, ridiculement, sur le rythme d’une sorte de trame techno-pop qui semble composée des sons d’un jeu vidéo.
Tokyo joue sur les possibilités offertes par les plus récentes techniques de surveillance, indubitablement attrayantes puisqu’il suffit d’un clic de souris pour ouvrir une fenêtre sur le moindre point du monde. Mais l’œuvre nous rappelle que ces mêmes espaces deviennent aussi beaucoup plus vulnérables à la mainmise et à l’exploitation d’un pouvoir commercial ou militaire.
Matari 69200, 2005
Jeux vidéo
Le projet Matari 69200 s’articule autour des violences politiques qu’a connues le Pérou durant les années 1980. L’artiste utilise pour ce faire un jeu vidéo et l’ATARI 2600, une console très populaire à cette époque. Le chiffre 69200 évoque le nombre de victimes de la guerre. Le conflit opposait le gouvernement péruvien, représenté par l’armée, à une guérilla maoïste appelée Sentier lumineux. Des milliers de personnes ont été torturées et assassinées et beaucoup d’autres ont disparu. La brutalité fut l’œuvre conjointe d’une guérilla fondamentaliste et de la police, celle-ci se rendant coupable d’une répression abusive et aléatoire et d’un déni total des droits de la personne. Or, l’écran de télé qui montrait les images de cette guerre servait aussi à jouer au Pac Man et aux Space Invaders. Matari 69200 fusionne ces deux expériences en un jeu vidéo fondé sur des épisodes des événements terroristes.