
2021
- Symposium - Repenser nos futurs : art et collaboration
- « Éveil/Alive » disponible pour la circulation
- « The Dead Web – La Fin » disponible pour la circulation
2020
2019
- Résidence de réseautage et de prospection pour commissaires
- « The Dead Web – La fin » au Mapping Festival
- « The Dead Web – La fin » au Mirage Festival
2018
- Politique de diversité et d'égalité des chances
- Molior 15 ans | Publication en ligne sur le site de la Fondation Daniel Langlois
- MIRAGE FESTIVAL
2017
- SIGNAL FESTIVAL 5e édition à Prague (République tchèque)
- Biela Noc 3e édition à Bratislava (Slovaquie)
- Biela Noc 8e édition à Košice (Slovaquie)
2016
- Molior 15 ans | Colloque : Un art contemporain numérique. Conservation, diffusion et marché
- Molior 15 ans | Collecte de fonds
- Molior 15 ans | Rythmes des imaginaires, outils et œuvres technologiques
2014
2012
2011
- TransLife International Triennial of New Media Art 2011
- Fanfare (Ottawa)
- Captatio oculi
- fou de circuits
2010
- Contrainte/Restraint : Nouvelles pratiques en arts médiatiques du Brésil et du Pérou (São Paulo)
- [IR]rationnel
2009
- Contrainte/Restraint : Nouvelles pratiques en arts médiatiques du Brésil et du Pérou (Montréal)
- eARTS BEYOND : Shanghai International Gallery Exhibition of Media Art
- Fanfare (Montréal)
2008
2007
2006
2005
- FILE 2005
- VAE 9 – Festival Internacional de Video/Arte/Electrónico
- Rotoscopic Machines
- Totem sonique (Montréal)
- Silverfish Stream
À l’intérieur / Inside /
Sylvie Parent
Le concept d’intériorité amène à penser l’espace, la spatialité du dedans. Avant tout, il concerne l’espace interne de chacun, un lieu réservé à l’individu hors du visible où s’accomplissent l’intériorisation du monde, l’expérience de la pensée, la conscience de soi. De même, l’intérieur de tout ce qui existe hors de l’enveloppe corporelle comporte un espace propre. À son tour, l’individu occupe un environnement et examine des volumes dont l’épaisseur lui rappelle sa profondeur intime. Par effet d’emboîtement, cette intériorité s’étend à d’autres espaces auxquels elle s’associe pour satisfaire le désir de connexion avec le monde.
Depuis toujours, les artistes produisent des espaces destinés à rejoindre le monde intérieur. Pour ce faire, ils adoptent des stratégies qui réveillent nos sens et contribuent à modifier notre expérience du monde. Dans certains projets artistiques, la recherche de l’intériorité se fait sentir plus nettement, elle représente leur raison d’être. Ces œuvres traitent spécifiquement du dedans et utilisent des moyens qui affirment l’espace intérieur. La notion d’intériorité gouverne leur conception. Les installations interactives réunies pour cette exposition en constituent de justes exemples.
Non pas uniquement une question d’espace, l’intériorité est aussi affaire de temps. C’est souvent en créant des détours et des retards dans la perception que les artistes parviennent à retenir l’attention et à faire durer le processus d’intériorisation. Une proposition inusitée, un glissement, un revirement, un accroc, un détail incongru chavirent le perçu et le connu. Ils ont pour effet de déclencher un échange prolongé avec le monde, à partir duquel l’observation intérieure s’installe. Approfondir l’expérience sensible requiert une continuité temporelle. La conscience se réalise dans le temps.
Or, les processus d’intériorisation sont mis au défi à l’heure du flux communicationnel qui caractérise notre société des écrans. Dans le contexte actuel, l’envahissement des surfaces électroniques dans les espaces public et privé alimente une superficialité, une extériorité toujours en train de se refaire. N’étant pas une surface pour lui-même, l’écran, par nature, doit montrer quelque chose, toujours autre chose. Il trouve sa valeur dans son activité incessante, dans le remplacement, le renouvellement de sa face. Tout occupé qu’il est à assurer sa présence épidermique, par le moyen de contenus rapidement supplantés, la profondeur a peu de chances de s’y établir. Chacune à leur manière, les œuvres présentées dans cette exposition contestent ces phénomènes de superficialité et de fugitivité tout en intégrant elles-mêmes des surfaces écraniques.
En ayant recours à la tactilité, Perversely Interactive System de Lynn Hughes et Simon Laroche et Tact de Jean Dubois invitent le participant à éprouver une continuité spatiale entre le dehors et le dedans parce que « toucher, c’est se toucher », comme l’écrivait Merleau-Ponty (1). Afin d’accomplir cette rencontre avec le personnage virtuel, le spectateur de Perversely Interactive System doit se tourner aussi bien vers l’extérieur que l’intérieur, s’engager dans l’observation de son espace organique tout en mettant à l’épreuve son rapport à l’autre. Tact mise également sur ce double mouvement, le toucher établissant le contact avec l’individu de l’autre côté de l’écran au cours d’une manipulation qui s’avère troublante, tandis que le miroir, instrument de vision, renvoie le participant à lui-même et à sa conscience.
L’habitgram de beewoo et Digitale d’Alexandre Castonguay, pour leur part, extériorisent l’individu, projetant son image et son environnement intime dans l’espace. Ce faisant, ils étendent les limites personnelles du spectateur au lieu. Du même coup, le participant adopte une portion d’espace plus étendue dans son territoire individuel. En se couvrant de l’habitgram, le spectateur se « couvre » d’espace. À l’instabilité et à la confusion spatiale qu’il ressent correspond un bouleversement de l’espace intime. Pour sa part, Digitale implique le participant dans un processus qui l’amène à évaluer l’incidence de sa subjectivité dans le monde technologique par l’expérience de temps et d’espaces hétérogènes.
Enfin, les projets DATA de Æ et redTV de Brad Todd mettent en évidence des phénomènes qui échappent aux sens et traduisent la profondeur cachée du réel. Produites à partir de puissants microscopes utilisés dans les laboratoires de nanotechnologie, les images de DATA expriment des niveaux de réalité souterrains en retrait des apparences, révélant la plénitude du monde. De son côté, redTV rend manifeste le signal télé, habituellement insaisissable par les sens, en offrant une apparence alternative aux contenus diffusés. De plus, en accordant une durée augmentée aux images fuyantes, le projet favorise l’approfondissement de l’image.
Dans un très beau texte, Georges Didi-Huberman écrivait : « (…) quand nous voyons ce qui est devant nous, pourquoi quelque chose d’autre toujours nous regarde, à imposer un dans, un dedans ? (2) » L’extériorité est inséparable de l’intériorité et toute manifestation sensible suppose une profondeur, un déploiement, une prolongation au-delà de la surface. Dans le contexte actuel où règnent la superficialité et la fugitivité des contenus diffusés sur écrans, il est encore possible de créer cet espace intérieur en association intime avec le monde, comme le proposent les projets réunis pour cette exposition.
Sylvie Parent
Avril 2008
- Maurice Merleau-Ponty, Le visible et l’invisible, Paris, Gallimard, 1964, p. 308.
- Georges Didi-Huberman, Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, Paris, Minuit, 1992, p. 10.