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- Molior 15 ans | Collecte de fonds
- Molior 15 ans | Rythmes des imaginaires, outils et œuvres technologiques
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2009
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- Fanfare (Montréal)
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2005
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Captures numériques /
Sylvain Campeau
Nous avons tous vécu la révolution. Nous le savons sans le savoir. Mais ne sommes plus ce que nous étions il y a peu. Nous sommes aujourd’hui équipés de toutes sortes d’appareils que nous n’avions pas il y a tout juste 10 ou 20 ans. Des appareils avec lesquels nous entrons de plus en plus fréquemment en relation. C’est-à-dire que nous entrons, par leur intermédiaire, en relation les uns avec les autres, bien sûr, mais aussi que, ce faisant, nous entrons en relation avec eux. Quand nous avons des amis sur Facebook et Twitter ou quand nous cherchons des numéros de téléphones et adresses sur l’ordinateur au détriment des pages jaunes, c’est à faciliter et même alimenter les rapports que nous avons entre nous que ces outils s’emploient. Mais quand nous consultons aux 10 minutes notre téléphone cellulaire intelligent pour voir qui nous a laissé un courriel et que nous regardons davantage notre GPS que les rues environnantes pour trouver la direction de notre destination, il faut convenir de la force d’attraction de ces appareils et de l’ascendant que leur dispositif particulier a pris sur nous. Et tous ces instruments nous sont devenus indispensables, des instruments que nous n’avions pas il n’y a pas si longtemps.
Par et avec ces appareils, nous sommes confrontés à une nouvelle façon d’appréhender la réalité. Le fait n’a pas échappé aux artistes qui ont choisi de s’en remettre à ces dispositifs nouveau genre pour investiguer notre rapport au réel et la manière dont ces instruments procèdent du réel. Pour ces outils, en effet, le réel est matière à données. Par eux, la réalité peut être réduite à une dimension nouvelle qui la rend malléable à l’infini, protéiforme et multiforme. Cette dimension, c’est la pure et simple donnée numérique. Grâce à elle, le réel est avalé en miettes, digéré en données et régurgité en formes diverses, images, sons ou autres.
Depuis, il ne peut être question d’analogie, de copie, de représentation, d’indices ou de traces. Il faut maintenant parler de saisie de données, qui sont d’abord numériques, puis ensuite, mais pas toujours, visuelles et/ou sonores. Mais il incombe, surtout, de parler d’interface et de captation.
D’interface, puisque c’est à la pointe de ce contact entre réel et machine d’enregistrement des données, puis entre celle-ci et l’humain que se résume l’expérience du réel. C’est sur ces surfaces interconnectées que se fonde ce qui sera l’œuvre d’art. Captation, puisque tout est affaire de saisie, de préhension sur le monde. Il faut bien, en premier lieu, que des segments du monde, sonores, visuels, soient, d’une certaine façon, « entrés » dans le creuset des transformations virtuelles ̶ l’ordinateur qui est en effet un ordonnateur des informations ̶ agencées selon le formatage et les fonctions que des logiciels leur imposent.
Dans un texte antérieur, j’ai déjà avancé que la photographie numérique ne menait pas à une révolution si grande que l’on supposait(1). S’il est vrai que toute la réflexion basée sur une logique de l’index, de la saisie et de la reproduction d’un ayant-été-là, ne correspond plus à ce qu’accomplit le numérique, il n’est reste pas moins qu’une captation demeure à la base de la majorité des œuvres photographiques d’aujourd’hui qui, presque toutes, de près ou de loin, s’abandonnent aujourd’hui au numérique.
On comprendra dès lors aisément ce qui a bien pu me séduire dans Éléments d’Alexandre Castonguay. Nous avons là une théâtralisation de machines évoquant la photographie, son modèle originel, la projection par camera obscura, mais combinée à des modes d’altération qui sont, eux, proprement numériques. Y apparaissent autant des émissions lumineuses passées au sas d’une lentille que des films de cristaux liquides agissant tels une diapositive. Sans oublier une référence à la vidéographie par cette capture d’images des spectateurs et leur reproduction en temps réel.
Le Titan et au-delà de l’infini de Jean-Pierre Aubé est spectaculaire. Mais les images qu’il montre, ne sont reproductions de rien qui soit réel. Elles résultent d’un message radio d'une durée de 2 minutes, envoyé par un drone depuis Titan, une lune en orbite autour de Saturne. Ce fichier sonore contient des données télémétriques que l’artiste, à l’aide d’un logiciel, a réussi à organiser sous forme de graphique, puis à compiler grâce à un algorithme. L’image cinétique qui en découle est ici affaire de données, d’informations codifiées. Si la captation demeure l’opération première dont tout dépend, son contenu importe peu puisqu’il en a été tout autre chose que ce à quoi on la destinait à l’origine.
Il y a un même effet de captation altérée dans les œuvres de Sofian Audry et de Martin Boisseau. Chez le premier, une image du spectateur, muni d’une affichette, est prise en temps réel et reproduite grâce à une projection. Mais, le mot sur l’affichette du spectateur n’est pas le même que celui qu’il voit dans l’image. Un autre s’y est substitué, qui s’en inspire. Nous avons là une captation déformée par des informations numériques modélisées pour perturber la véridicité de la projection en temps réel. Le système se livre à des glissements sémantiques, des extensions, des métonymies approximatives. Chez Martin Boisseau, la captation est (presque) strictement respectée. Un mécanisme, déjà utilisé dans une œuvre antérieure, est repris pour une projection en effet rotatif. L’image projetée est celle de la galerie même où elle est présentée. Effet de redondance, donc, moyennant peut-être quelques modifications mineures. De plus, l’on entend une voix qui se mêle de décrire le lieu montré, en plus d’y aller de quelques remarques et réflexions sur le sens de cette représentation, sur cette suppléance de l’art sur le réel.
En toutes ces œuvres, le résultat final ne révèle rien des machinations internes, des relations fondamentales qui régissent le spectacle offert. Photographie, vidéographie, données numériques, transcodages et altérations des informations originelles, le donné à voir est spectaculaire, un plaisir pour l’œil, mais les tréfonds de ces performances ne sont pas tant présences effectives que captures numériques…
Sylvain Campeau
1. Sylvain Campeau, « Captation », L'imprimé numérique en art contemporain, Trois-Rivières, Éditions d'art Le Sabord, Collection Essai, 2007, p. 29-34.