2021
« The Dead Web – La Fin » disponible pour la circulation
au Canada et à l'international
Du 1er janvier 2021 au 1er décembre 2022
Commissaire
DOMINIQUE SIROIS & BARON LANTEIGNE / FRÉDÉRIQUE LALIBERTÉ / JULIE TREMBLE / JULIEN BOILY / PROJET EVA (ETIENNE GRENIER & SIMON LAROCHE)
« La fin d’Internet serait-elle pour bientôt ? »
Tout a commencé en mai 2015, lorsque j’ai lu sur lemonde.fr un article qui postulait la possibilité d’un effondrement du World Wide Web. Bien que cet évènement soit hautement hypothétique, plusieurs articles ont été écrits sur le sujet, en réaction à un symposium scientifique organisé par la Royal Society sur la « capacity crunch » (crise de capacité) d’Internet.
Dans un contexte où le réseau pourrait s’effondrer avant même la fin de son « adulescence » – en 2023, le Web tel que nous le connaissons aura à peine plus de 25 ans –, on peut tenter de figurer la chute et une forme d’après-monde du Web : carcasses vides de serveurs et mers de déchets électroniques ? néant numérique des écrans ? machines imitant le Web ? Internet artisanal ?
Quelle forme l’expression, à la fois dématérialisée et délocalisée, du pouvoir – économique assurément et par défaut politique – prendrait-elle si la machine se trouvait débranchée ? Mais aussi, qu’est-il possible de faire ou de dire en attendant ? Comment occupe-t-on – ou pas – un temps et un espace dits de sursis, un espace-temps désormais partagé entre les réalités numériques et physiques ?
Dans le sillage de ces réflexions, j’ai souhaité rassembler des propositions artistiques qui rencontrent une résonance autour de tels questionnements.
[Nathalie Bachand, commissaire]
La première itération de l’exposition The Dead Web – La fin a été présentée en 2017 au Eastern Bloc (Montréal, Québec, Canada)
In Extremis
2019
Installation. Écrans, céramiques (grès), tissus de polyester imprimés, câbles, gaines et lecteurs médias
In Extremis, de Dominique Sirois et Baron Lanteigne, est issue d’une toute nouvelle collaboration entre les deux artistes. Installation à la fois sculpturale et vidéo – aménageant des passages de l’un vers l’autre –, l’œuvre convoque les questions de l’espace liminaire entre le virtuel et le réel, de la matérialité du numérique et de l’obsolescence.
Par un assemblage proliférant d’écrans – fonctionnels et dysfonctionnels –, de câblages et de structures textiles, elle suggère un certain désordre où connexion et déconnexion dialoguent en discontinuité. Dans une virtualité qui nous échapperait, Internet survivrait-il à sa propre mort ? Cette question, qui reste bien sûr non résolue, alimente ici une réflexion sur la manière dont l’infrastructure du Web se prolonge au-delà de l’écran. Entre le hardware, le dispositif écranique et l’espace indéterminé du numérique, se trouve le geste – celui d’activer ce système. Différentes zones sont dévoilées : d'abord l'écran-portail de la réception et de l'émission de données ; l'écran tactile et son activation par la main, qui se prolonge en autant de phalanges de connectivité ; puis l’envers de l’écran – l’au-delà de l’écran ? L'infrastructure des réseaux, plus particulièrement les canaux de fibres optiques souterrains, sorte de système nerveux/osseux, révèle alors la fragilité du World Wide Web – à moins que cette fragilité ne soit que surface ?
Memento Vastum fait partie de la Collection Canopée Médias.
Infinitisme.com Forever A Prototype
2015-.
Projet web et installation : éléments sculpturaux (métal, carton, fils), systèmes lumineux et haut-parleur, site web (ordinateur)
Infinitisme.com Forever A Prototype, de Frédérique Laliberté, est un projet web éternellement « en progrès », une machine à collage autonome qui génère des compositions virtuelles semi-aléatoires en allant chercher dans une banque de fichiers numériques catégorisés et classifiés : images, sons, gifs animés, vidéos, texte, etc. Le résultat de chaque visite est une série de constructions éphémères, basées à la fois sur la rigidité de l’archivistique et sur la désinvolture propre au hasard. Internet de fortune, sorte de mimesis de lui-même, ce site web ne peut que réutiliser et renouveler ce qui existe déjà, donnant une fonction à des centaines de giga octets de données latentes. Plus spécifiquement, le programme active une série de commandes qui choisissent des fichiers au hasard au sein de leurs catégories respectives. Il place ensuite ces éléments organisés dans le canevas virtuel de la page web, à l’intérieur de compartiments, de couches et de séquences bien définis. Sous forme d’installation, le projet se présente comme un environnement contextuel : une simulation assumée d’un dispositif fonctionnel. Sans cesse en développement dans l’espace-temps virtuel, cet univers parallèle est extirpé de son abstraction lorsque visité par un utilisateur web.
La création de Infinitisme.com Forever A Prototype a été rendue possible grâce à l’appui financier du Conseil des arts et des lettres du Québec.
BPM 37093
2014
Animation 3D (muet), 1 min. 14 s. (boucle) : écran plat.
BPM 37093, de Julie Tremble, est une courte animation 3D qui « raconte » – fiction ou réalité, l’incertitude ici est volontaire – la mort d’une étoile et la lente transformation de sa matérialité : Comme le mentionne l’artiste, « BPM 37093 est une étoile qui était très similaire au soleil et qui est aujourd’hui morte. Des scientifiques ont découverts qu’en mourant, l’étoile s’est presque entièrement transformée en diamant, comme le fera le soleil dans des milliards d’années. La vidéo est une représentation fantasmatique de ce phénomène scientifique, [et] la modélisation 3D, [un] outil privilégié par le documentaire et le cinéma pour traiter de phénomènes astronomiques. L’animation détourne cette technique perçue comme réaliste pour illustrer la manière dont notre compréhension de certains phénomènes naturels, dont la perception nous est inaccessible, repose sur des informations fragmentaires, des représentations et des associations hallucinées. » Cette représentation de la mort d’une étoile, symboliquement porteuse de celle (éventuelle) de l’univers (et accessoirement d’Internet) est aussi la naissance d’autre chose : ici un diamant. La temporalité hautement accélérée de cette mort d’étoile – 1:14 pour des millions d’années – ajoute une résonance à l’ensemble du projet d’exposition qui, questionnant le web, questionne aussi les notions de durée et d’instantanéité, ainsi que nos représentations du monde comme autant d’images de synthèse dont nous sommes en droit de nous méfier.
Memento Vastum
2012
Huile sur panneau marouflé, 122 x 152 cm (48" x 60")
Le tableau Memento Vastum de Julien Boily – une huile sur panneau marouflé – nous parle d’une mémoire perdue. Vastum (déchet en latin) renvoie à la notion de perte, à ce qui est laissé derrière au profit d’une certaine idée du progrès. Une tension tradition/progrès alimente cette idée de perte multiforme dans le travail de Boily. Perte de savoir-faire, pictural certainement, mais aussi de connaissances anciennes aussitôt remplacées par de nouvelles – souvent sous forme d’information ou même de données. C’est une dynamique récursive qui s’accélère constamment : avec l’arrivée de la nouveauté, ce qui a précédé tend à être évacué. Cette notion de vestige croise ici celles d’obsolescence programmée et de vanité. Si au 17e siècle le miroir était un élément récurrent dans la composition des vanités – ces natures mortes évoquant le caractère éphémère de l’humanité – aujourd’hui nos dispositifs électroniques et outils informatiques pourraient remplir la même fonction. Parmi ces objets qui nous renvoient le reflet de nos désirs, de nos peurs et de notre vanité, Internet n’est-il pas comme un miroir sans tain ?
Projet EVA (Etienne Grenier et Simon Laroche) | biographie ›
L’Objet de l’Internet
2017
Installation cinétique : structure d’aluminium, panneaux d’acrylique, ordinateur, moteurs, microcontrôleurs et composantes électroniques, LEDs, système de son, lettrage vinyle pour la citation, banc.
La désorganisation du monde par le capitalisme financier, délocalisé et volatile, a favorisé l’émergence d’Internet. Ce réseau est progressivement devenu la matrice à travers laquelle nos collectivités et nos individualités ont restructuré leurs échanges. La promesse d’un plus grand mouvement des idées, d’une liberté accrue, voire d’une nouvelle citoyenneté, se heurte finalement au pouvoir du capital et à la nature disloquée et entropique d’un tel agencement technologique.
L’Objet de l’Internet est une installation de Projet EVA (Etienne Grenier et Simon Laroche), évoquant l’idée d’un mausolée destiné à la fin du Web. Grâce à des procédés optiques et cinétiques intégré à un dispositif où le visiteur insère sa tête, le visage humain est décomposé en une multitudes de fragments. Les visiteurs sont projetés dans un futur dystopique où, sur les réseaux sociaux, ne demeureraient sous la forme d’une résonance que les traces de quelques égo-portraits encore artificiellement animés. Ces derniers, condamnés au statut de solipsismes stériles, s’agiteraient dans le vide sidéral de la fin d’Internet.
En épitaphe du monument-mausolée : “I have seen many people spill their guts on–line, and I did so myself until, at last, I began to see that I had commodified myself.” –Carmen Hermosillo, poète, blogueuse et pionnière de l’Internet social, 1994.
La création de L’Objet de l’Internet a été rendue possible grâce à l’appui financier du Conseil des arts et des lettres du Québec.