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À l’intérieur/Inside (São Paulo)

Paço das Artes, São Paulo

Du 5 mai au 20 juillet 2008

Commissaire

Sylvie Parent

Artistes

Après sa présentation remarquée en Chine dans le cadre du Third Beijing International New Media Arts Exhibition and Symposium, en 2006, l’exposition À l’intérieur/Inside, produite par Le Groupe Molior, est accueillie par le centre d’art Paço das Artes à São Paulo, Brésil, du 5 mai au 20 juillet 2008.

À l’intérieur/Inside / Sylvie Parent

Il ne fait pas de doute que nous vivons à présent dans un monde où les technologies de l’information et de la communication ont colonisé tous les territoires de l’activité humaine, aussi bien dans l’espace public que privé. C’est dans le contexte urbain que ce phénomène se fait sentir de façon plus évidente. S’il touche en premier lieu les grandes villes et leurs citoyens habitués aux sollicitations de toutes sortes et au rythme accéléré des échanges, ce mouvement vers l’informatisation de notre environnement et l’accès délocalisé des données ne peut que s’accentuer et se généraliser.

La présence croissante des technologies numériques et des réseaux de communication a pour effet de transformer profondément l’expérience de l’espace habité et traversé. Elle se traduit par une multiplication des écrans permettant l’affichage de contenus électroniques tant sur les murs que sur des présentoirs et supports de toutes sortes, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur des architectures. Les outils de communication individuels, quant à eux, participent de ce même envahissement des écrans dans les activités et les espaces personnels de l’individu.

L’omniprésence des écrans, petits et grands, a pour effet d’introduire des expériences sensorielles qui rivalisent avec l’épreuve de l’espace physique. Elle contribue à entremêler des perceptions et des sensations multiformes de même qu’à produire des conceptions spatiales hétérogènes qui demandent résolution. En prenant place dans l’espace et en se superposant aux surfaces des lieux et des objets abordés par l’individu, les écrans modifient le rapport construit avec le monde, créant un espace «augmenté».(1)

Or, l’instabilité des contenus présentés par ces surfaces électroniques alimente une superficialité, une extériorité toujours en train de se refaire. C’est que l’écran n’est pas une surface pour lui-même. Sa nature est de montrer quelque chose, toujours autre chose. En se superposant à une autre surface qu’il remplace, il introduit une rupture dans la continuité de l’espace physique, une zone vide qu’il essaie de remplir continuellement, comme s’il cherchait à cacher cette usurpation, à combler le trou qu’il pratique dans le réel. (2) L’écran se charge de contenus, tel un réservoir sans fin, pour s’acquitter de son rôle de surface. Il trouve sa valeur dans son activité incessante, dans le remplacement, le renouvellement de sa face. Tout occupé qu’il est à assurer sa présence épidermique, par le moyen de contenus rapidement supplantés, la profondeur a peu de chance de s’y établir.

Dans quelles conditions la « superficialité » renouvelée de l’écran peut-elle mener à l’intériorité? Par quels moyens ces informations numériques éphémères, discontinues et inconstantes parviennent-elles à se frayer une voie vers l’espace intérieur de l’individu, vers l’intégration, la compréhension, l’expérience de la pensée? Les artistes sont souvent les premiers à s’intéresser aux effets des transformations de l’environnement social et culturel sur l’expérience humaine. L’ubiquité de l’écran et l’expérience spatiale composite qu’il entraîne sont au cœur de la réflexion de plusieurs d’entre eux.

Dans leur pratique, certains artistes ont opté pour une présence plus matérielle de l’écran, l’engageant dans un dialogue inattendu avec son environnement ou concevant des interfaces tangibles inusitées en vue de créer un lien physique plus significatif pour l’utilisateur. Tact de Jean Dubois et Perversely Interactive System de Lynn Hughes et Simon Laroche sont des œuvres qui emploient de telles stratégies en vue de contester la familiarité acquise avec l’affichage numérique, ses usages et ses conventions.

Au cours des dernières années, Jean Dubois a réalisé un ensemble de projets interactifs avec écrans tactiles qui engagent le participant à établir une continuité physique avec des contenus numériques au moyen du toucher. Avec Tact, le participant fait apparaître un visage en appuyant sur un écran d’abord flou et semble saisir momentanément son image fugace. Écrasé contre l’écran, ce visage paraît contraint non seulement d’obéir au déplacement du doigt du participant, mais aussi de s’en tenir à un espace très peu profond. Or malgré cette présence, le face à face ne s’instaure jamais tout à fait, le personnage retournant dans son espace indistinct aussitôt l’activité de toucher terminée. Le va-et-vient de part et d’autre de l’écran découlant de cette interaction crée un supplément spatial mais ne parvient pas à réaliser un véritable approfondissement. C’est plutôt un miroir circulaire qui, encadrant l’écran, lui offre une surface paradoxale à la fois absorbante et réfléchissante pour en faire un instrument de connaissance favorisant l’engagement et le retour sur soi, dispositif de médiation essentiel à la création d’une intériorité.

C’est aussi une rencontre avec un personnage virtuel que proposent Lynn Hughes et Simon Laroche avec Perversely Interactive System. L’accomplissement de ce face à face dépend ici entièrement de l’utilisation d’une interface tangible mesurant le métabolisme interne du participant, la recherche d’un état de détente étant une condition fondamentale à l’échange souhaité. Perversely Interactive System offre ainsi une situation interactive tout à fait inhabituelle en s’adressant au monde sous-cutané, à l’être biologique. Cette conscience intérieure, toute corporelle soit-elle, ne se limite pourtant pas à une expérience purement physiologique. La présence engageante du personnage et l’évolution progressive de la rencontre gardent le participant dans l’expectative. L’exercice de la détente se fait dans la durée et s’accompagne d’une lenteur favorable à une intériorisation plus globale, rejoignant l’affectivité et l’intellectualisation. Le participant fait l’expérience d’un espace concomitant, d’un passage entre son monde intérieur et une manifestation objective qui prend appui sur l’altérité.

Pour d’autres artistes, l’ubiquité de l’image numérique et sa distribution font l’objet d’une attention particulière. Ils examinent le sort réservé à l’identité dans des situations où l’individu se trouve sollicité par des écrans multiples ou encore lorsque sa présence elle-même est partagée entre différents lieux par l’entremise de réseaux. Dans ces œuvres, la question de l’incarnation de soi et de l’image figure au premier plan. L’œuvre d’Alexandre Castonguay intitulée Digitale et l’habitgram de beewoo, par exemple, poussent à réfléchir à de telles questions.

Digitale, une installation interactive d’Alexandre Castonguay, invite le visiteur à s’asseoir et à utiliser un vieil appareil photo qui lui permet de produire à la fois des images vidéo diffusées sur un écran tactile et des images fixes projetées sur le mur. Apparentées parce qu’elles résultent du même appareil et du même environnement, ces images offrent toutefois des expériences fort différentes. L’image encastrée dans le banc affirme son désir de continuité et de matérialité tandis que celle, fixe, qui est projetée expose son caractère éphémère, sa dégradation, son immatérialité. Digitale amène le participant à faire l’expérience de temps et d’espaces hétérogènes en prenant en considération l’impact des technologies sur l’incarnation de l’image. L’appel à la tactilité et à la préhension le concerne physiquement et l’amène à agir comme réalisateur de l’image et/ou comme acteur dans l’image. Il est en mesure d’assumer différents rôles dans l’installation, qui le confirment comme auteur et/ou sujet de la représentation, le rendant actif et présent dans cet exercice de dissociation et de distribution de l’image. Il est ainsi impliqué dans un processus qui l’amène à évaluer l’incidence de sa subjectivité dans le monde technologique.

Pour sa part, l’habitgram de beewoo met à l’épreuve la conception spatiale qu’a l’individu de son corps et du lieu qu’il occupe en proposant au participant de revêtir un manteau doté de caméras. Ce que le vêtement voit de ses multiples « yeux » ne correspond pas à ce que le participant perçoit lui-même, l’habit instaurant des écarts et des décalages qui ont pour effet de déstabiliser la perception. Les images projetées, obliques, instables et changeantes, ne se conforment jamais tout à fait au format orthogonal de l’architecture ni même à la verticalité du corps. En s’enveloppant du manteau, le participant étend déjà ses limites dans l’espace – il se « couvre » d’espace. Les murs qui portent les images produites par le manteau deviennent à leur tour un « habit » plus grand. L’expérience de l’habitgram invite à assimiler et à définir l’espace, non plus comme dissocié de soi mais comme un prolongement. Instrument de distribution de soi, l’œuvre donne lieu à une perte d’orientation, à une confusion spatiale et identitaire qui suscite la réflexion. La spatialisation de l’individu, son rayonnement dans le lieu conduisent à une évaluation critique des dispositifs de création et de diffusion de l’image et de l’individu. Ils expriment aussi la volonté de l’individu d’établir une intimité, une continuité spatiale avec le monde qui l’entoure.

D’autres projets artistiques en nouveaux médias portent une attention particulière aux dimensions qui échappent aux sens et qui traduisent la profondeur cachée du réel. Ils manifestent la complexité du monde, son épaisseur et sa plénitude dans le but de contrer l’excès de superficialité entraîné par l’omniprésence des écrans et les sollicitations qui maintiennent l’individu dans une extériorité constante. C’est le cas, par exemple, de wave_scan de Brad Todd et du projet DATA de Æ.

Le projet wave_scan de Brad Todd extériorise sur les plans sonore et visuel des phénomènes non visibles mais néanmoins présents, faisant ainsi surgir de l’espace environnant une intériorité insaisissable par les sens et même par les outils de captation habituels. La lecture des fluctuations électromagnétiques à fréquences très basses s’exprime par des bruits insolites et des images d’eau se succédant à un rythme lent, ayant pour effet de créer un environnement à la fois poétique et énigmatique. Par leur caractère ambigu, les sons et les images qui traduisent cette plénitude s’affirment dans l’espace dans le but de solliciter des actes de création mentale subjectifs. Les images d’eau prises dans différents contextes créent une continuité thématique et réfèrent à la présence universelle de cet élément, de même qu’à ses qualités de fluidité et d’adaptation. L’omniprésence et l’universalité de l’eau ont le potentiel de produire une résonance symbolique pour chaque individu, d’en appeler à la mémoire personnelle et de rejoindre ainsi le monde intérieur.

De même, le projet DATA, comme plusieurs autres œuvres de Æ, résulte d’une quête de l’imperceptible, d’une recherche sur les niveaux de réalité souterrains en retrait des apparences. Réalisées grâce à une résidence dans un laboratoire scientifique spécialisé en nanotechnologie, les images numériques de DATA engagent le regard dans une profondeur de la réalité totalement inaccessible aux sens.(3) Résultantes d’une instrumentation complexe dans le domaine de l’analyse et de l’imagerie scientifiques, elles demeurent pourtant mystérieuses et résistent à l’identification, à une interprétation didactique. Leur ambiguïté entretient plutôt la curiosité à leur endroit et encourage l’activité d’observation. Elles sont réinvesties dans l’espace architectural en épousant la configuration du lieu, en adhérant à sa structure et en réaffirmant leur lien au monde, la réalité qu’elles décrivent étant bel et bien fondée sur le monde physique. DATA propose de lire ces images, de les parcourir et de les sonder, de considérer ainsi le réel dans sa complexité, dans sa profondeur.

L’extériorité est inséparable de l’intériorité et toute manifestation extérieure suppose une profondeur, un déploiement, une prolongation au-delà de la surface : «(…) quand nous voyons ce qui est devant nous, pourquoi quelque chose d’autre toujours nous regarde, à imposer un dans, un dedans?», écrivait Georges Didi-Huberman. (4) Ainsi, la superficialité de l’écran demande à être dépassée, approfondie, retournée, investie. À l’encontre de la tendance à l’extériorité, ces artistes proposent précisément un engagement physique, affectif et intellectuel, une spatialisation expressive de l’écran. Ils mettent en scène l’image numérique de façon à créer une tension créative entre un dehors et un dedans de la surface écranique. Ce faisant, ils parviennent à en faire un espace favorable à la provocation de l’imaginaire.

Sylvie Parent 
Avril 2006

Notes

1. Voir Lev Manovich, The Poetics of Augmented Space, 2002-2005 (à www.manovich.net).
2. Olivier Asselin écrivait à ce sujet : «(…) ainsi trouée par une multitude d’écrans et de caméras qui, sans cesse, captent et transmettent des images, exportent et importent des informations variées, notre expérience met en relation des espaces et des temps différents, proches et lointains, privés et publics, présents, passés et futurs, réels et virtuels, factuels et fictionnels – comme une passoire à plusieurs dimensions. » (« Écrans numériques », Parachute, Montréal, Canada, no 113)
3. Sur les techniques de visualisation des données dans le domaine des nanotechnologies, voir Jim Gimzewski et Victoria Vesna, « Le syndrome nanomémique », HorizonZéro, Banff New Media Institute, Canada, no 14. 
4. Georges Didi-Huberman, Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, Paris, Minuit, 1992, p. 10.

Sylvie Parent

Sylvie Parent est commissaire indépendante et critique d’art. Elle est impliquée dans le milieu des arts visuels et numériques depuis plus de 30 ans, aussi bien au Québec qu’à l’étranger. Ses expositions ont été présentées au Canada, aux États-Unis, en Italie, au Brésil, en Chine et à Taiwan.

De 2009 à 2014, elle a assuré la direction artistique de Molior, un organisme de diffusion d’expositions sur la scène internationale. Dans le domaine de l’édition, Sylvie Parent a agi comme rédactrice de magazines tels que HorizonZéro (2003-2005) et le Magazine du CIAC (1997-2000), et a contribué à plusieurs revues spécialisées (Parachute, Ciel variable, Espace art actuel, etc.).

Elle est également l’auteure de nombreux essais pour des catalogues d’exposition. Sylvie Parent est récipiendaire du prix Joan-Lowndes (2017) attribué par le Conseil des arts du Canada à un critique ou conservateur d’art indépendant en reconnaissance de la qualité exceptionnelle de son travail.

Artistes et œuvres

AE
Sweeping Spirals

DATA

2003-2006

Installation

DATA consiste en un ensemble d’œuvres multimédias incorporant des images obtenues à l’aide d’instruments scientifiques hautement spécialisés, soit les microscopes électroniques à balayage et à forces atomiques. L’utilisation de telles technologies permet d’explorer la matière dans ce qu’elle a de plus fondamental, d’être témoin de l’assemblage moléculaire dans ses composantes chimiques, magnétiques et géométriques. À cette échelle, l’obtention d’images se fait par le moyen d’outils de visualisation, par transfert d’énergie, au-delà de méthodes optiques. Les images résultant de ces processus font naître la curiosité et la fascination tout autant qu’un questionnement sur le pouvoir de représentation de l’invisible. Le projet DATA est adapté à chaque lieu d’exposition afin de favoriser une attitude d’observation et provoquer la réflexion face à de telles images, le niveau de réalité qu’elles présentent et les techniques qui permettent de les concevoir. Ce projet fait partie d’une recherche plus vaste sur l’invisible et l’inaudible, sur les niveaux de réalité qui échappent à la perception immédiate. L’accès aux technologies et l’acquisition des documents ont été possibles grâce à une résidence au Nanolab du Département de chimie de l’Université McGill, avec la collaboration de Vicki Meli et du Dr Bruce Lennox. Ce projet a bénéficié de l’appui de la fondation Daniel Langlois pour l’art, la science et la technologie.

Æ est une cellule de recherche fondée en 1996 par les artistes Gisèle Trudel et Stéphane Claude. Dans le cadre d’un ensemble diversifié de créations, le duo démontre son intérêt pour la collaboration transdisciplinaire entre les arts et les sciences, basée sur une conscience écologique et technologique. Le travail de Gisèle Trudel et Stéphane Claude a fait l’objet de multiples présentations sur la scène internationale.

www.aelab.com

Alexandre Castonguay
Digitale

2003-2004

Installation

Digitale est une installation interactive comprenant une projection au mur et un banc sur lequel est déposé un vieil appareil photo. Un écran tactile, intégré au meuble, montre une image vidéo captée par cet appareil en continu. Lorsqu’un visiteur touche cet écran, des cercles concentriques se superposent à l’image et la font onduler comme si elle était une réflexion dans l’eau, lui procurant une matérialité nouvelle. Le caractère fluide de l’eau s’accorde avec la nature changeante de l’image vidéo et met en évidence sa mobilité. Par ailleurs, quand un participant appuie sur le déclencheur de l’appareil, il produit une image fixe en noir et blanc qui est projetée sur le mur. Cette photographie s’estompe graduellement faisant place à une représentation de plus en plus abstraite. Ce processus d’effacement amène à réfléchir à la fragilité de la mémoire évoquée par l’image photographique.

Le participant peut s’intégrer à ces images en tournant l’appareil photo vers lui-même, assister alors aux transformations de sa propre image et se sentir personnellement concerné par l’action de ses dispositifs sur la représentation. Digitale invite ainsi à examiner les technologies de capture et de traitement du réel (photographique et vidéo, analogue et numérique) et à considérer leur aptitude à redéfinir le monde.

Remerciements

L’artiste tient à remercier Mathieu Bouchard pour sa collaboration.

Les œuvres d’Alexandre Castonguay exploitent les technologies désuètes et les logiciels libres. Ses installations interactives et photographies ont fait l’objet d’expositions solos au Musée d’art contemporain de Montréal et au Centro de la Imagen au Mexique. Il a pris part à des expositions collectives au Los Angeles County Museum of Art, au Musée canadien de la photographie contemporaine, ainsi qu’à Beijing, Madrid, Berlin et Graz. Enseignant à l’Université d’Ottawa, il est membre fondateur d’Artengine.

artengine.ca/acastonguay/

beewoo
habitgram

2011

Installation interactive

Donnant lieu à un environnement immersif et à des performances qui varient selon l’engagement des spectateurs, habitgram propose une mise en abyme de l’espace d’exposition. habitgram est un vêtement de surveillance que tous les visiteurs sont invités à enfiler à tour de rôle. À l’intérieur de celui-ci sont camouflées plusieurs caméras miniatures qui captent l’univers immédiat. Les images acquises par ces caméras résultent en plusieurs projections en temps réel sur les murs de la galerie. L’espace immédiat ainsi démultiplié offre simultanément différents points de vue sur le lieu, tous changeants en accord avec les déplacements du vêtement. Ainsi enveloppé par des images mouvantes et décalées, le participant ressent une sorte de désorientation et fait parfois l’expérience du vertige.

Tandis que le porteur de l’habitgram assume un rôle de performeur et de producteur d’images, les visiteurs dans le même espace sont intégrés dans ces images et participent eux aussi à l’installation. En s’habillant de l’habitgram, les spectateurs sont amenés à « revêtir» le lieu où ils se trouvent, à l’investir et à le redéfinir tandis que les visiteurs qui figurent dans ces vidéos deviennent acteurs et s’approprient l’espace à leur tour. Ils prennent conscience de leur présence dans ce lieu d’une manière active.

beewoo produit des œuvres multimédias en solo ou au sein de collectifs comme KIT ou Battery Operated. Son travail a été présenté lors de nombreux festivals : INVIDEO; Split; FCMM, ainsi qu’en galerie : The Anchorage, New York; Stubnitz, Rostock; China Millennium Art Museum, Beijing. beewoo est membre fondatrice du label multimédia C0C0S0L1DC1T1. Directrice de production au Studio XX, elle se consacre aux arts technologiques Open Source et poursuit sa recherche en interactivité entamée avec le groupe Interstices. Elle anime aussi l’émission XX Files (femmes & technologie) à la radio communautaire CKUT.

Brad Todd
RedTV

2007-2008

Installation interactive

À partir d’un signal télé capté en temps réel et traité par un programme informatique, redTV, une installation de Brad Todd, présente une image télévisuelle méconnaissable aux côtés d’un appareil de télévision miniature qui permet de voir la source de ces images. Les surfaces rouges mouvantes qui prennent place sur l’image projetée résultent de transformations opérées par l’application informatique. Elles laissent des traces après leur passage, créant une histoire et une cartographie de leur apparition fluide.

Brad Todd travaille dans plusieurs domaines concernant tout aussi bien l’informatique ubiquiste, tangible que sensible. Dans ses projets antérieurs, il a utilisé la télématique ainsi que les espaces réceptifs et augmentés afin d’évoquer la mémoire, le temps, l’influence et l’hégémonie de la technologie sur l’individu et la psyché sociale. Il enseigne actuellement dans le cadre du programme en arts numériques de l’Université Concordia.

www.teleshadow.net

Jean Dubois
Tact

2000-2001

Installation interactive

Tact est un projet d’installation vidéo interactive que l’on peut contrôler à l’aide d’un écran tactile. Il propose une rencontre entre le spectateur et un personnage anonyme situé de l’autre côté de la surface de l’écran. Le programme de Tact enchaîne des séquences vidéo en réponse aux diverses manipulations du spectateur. Sans passer par le biais de la parole, le spectateur est invité à entamer, par le toucher et la caresse, un dialogue gestuel afin de découvrir peu à peu les réactions insolites qu’il provoque chez son vis-à-vis virtuel.

Au sens propre, le « tact » est synonyme du sens du toucher, mais au sens figuré, il signifie également une appréciation intuitive, spontanée et délicate, de ce qu’il convient ou non de faire dans les relations humaines. Le projet Tact traite de la place grandissante de la médiation électronique dans les échanges interpersonnels. L’avènement récent des divers services de communication en réseau (courriel, groupe de discussion, bavardage électronique) fait ressortir un type particulier d’espace public où les rapports sociaux sont souvent filtrés par l’anonymat ou des identités artificielles. Dans plusieurs cas, on peut y voir une occasion de s’exprimer ouvertement avec n’importe qui sans vraiment avoir à s’exposer personnellement. La technologie joue alors un rôle paradoxal où elle procure à la fois un accès direct à l’autre tout en maintenant une distance protectrice. Il semble exister, dans ce genre de rapport, une étrange mixtion de retenue et d’exhibition.

Depuis le début, les recherches de Jean Dubois portent sur les interactions du corps avec les dispositifs techniques, notamment l’écran tactile et la téléphonie cellulaire, ainsi que sur les relations intersubjectives qui les sous-tendent. Son travail mise également sur une textualité combinatoire, autour de mots-valises, de poésies concrètes ou de conversations polyphoniques.

Ses œuvres ont été montrées dans plusieurs centres d’art, musées, biennales et festivals au Canada et à l’étranger, notamment à la Biennale internationale d’art numérique (Montréal), au CyberFest (Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg), à la Biennale de Montréal, à l’Incheon International Digital Art Festival (Corée du Sud) et à l’International Biennial of Media Art (Melbourne). Molior a présenté son tableau vidéo interactif Tact (2000-2001) en 2006 lors de l’exposition À l’intérieur / Inside, conçue par Sylvie Parent pour le Third Beijing International New Media Arts Exhibition and Symposium au Millenium Museum, puis en 2009 dans le cadre de eARTS BEYOND: Shanghai International Gallery Exhibition of Media Art, sous la direction artistique de Zhang Ga.

Jean Dubois enseigne à l’École des arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal, où jusqu’à tout récemment il agissait comme vice-doyen à la recherche et à la création. Il figure également parmi les membres fondateurs d’Hexagram, un institut interuniversitaire de recherche et de création en arts médiatiques, et a présidé le conseil d’administration de Vox. Centre de l’image contemporaine.

Lynn Hughes – Simon Laroche
Perversely Interactive System

2002

Installation interactive

Perversely Interactive System est une installation qui place le spectateur en relation avec un « autre » virtuel qu’il/elle contrôle grâce à un dispositif de biofeedback. L’œuvre se compose d’une projection vidéo aux dimensions humaines et d’une interface tactile qui mesure la résistance électrique de la peau, laquelle varie selon le niveau de stress interne du spectateur. Le participant tient dans sa main cette interface tactile qui lui permet d’interagir avec l’image apparaissant sur un écran suspendu et modifier le son ambiant. La femme que le participant voit dans l’image, apparaît d’abord de dos et se trouve à une certaine distance, puis elle se retourne et s’approche graduellement lorsque le participant parvient à réduire sa tension intérieure.

L’activité qui est requise du participant diffère grandement du type d’interactivité gestuelle ou motrice à laquelle le public est habitué dans un tel contexte. Le rapprochement est conditionnel à une prise de conscience de l’activité interne du corps et la recherche délibérée d’un état de détente. Ce type d’effort, ou plutôt de non-effort, demande que le participant devienne présent à lui-même afin de produire une réponse, et encourager un rapprochement, une intimité.

Lynn Hughes a une formation en littérature, en art, et en histoire et philosophie des sciences et technologies. Elle est titulaire d’une chaire de recherche de l’Université Concordia, à Montréal, où elle enseigne également. Elle a contribué de façon importante à la conception et à la structuration d’Hexagram, l’Institut montréalais pour la recherche/création en arts et technologies médiatiques. Elle est en outre codirectrice du groupe de recherche Interstices, qui réalise des œuvres médiatiques.

Artiste, enseignant et designer interactif, Simon Laroche travaille dans les domaines de l’installation, de la performance audio et vidéo, de la robotique et du body art. Avec le projet collectif EVA, il élabore un point de vue critique sur l’hybridation et le développement des différents systèmes biologiques, artificiels et sociaux. Simon Laroche enseigne les arts électroniques à l’Université Concordia et collabore également à des productions en théâtre, en design de la mode, en danse et en cinéma.

www.projet-eva.org