Au-delà de ses aspects conceptuels, l’exercice commissarial me permet non seulement de poser mon attention sur une problématique, mais également de cerner les limites de mon emprise à son égard. Car il s’agit d’une occasion inouïe de confronter certains de mes biais, d’admettre mes angle-morts et de créer un contexte favorable pour les repousser et apprendre de personnes concernées par le sujet évoqué.
Les concepts de limites, de soin et de reconnaissance s’avèrent donc pertinents à invoquer dans l’élaboration d’une proposition artistique ou commissariale telle que je la conçois. Par exemple, les balises conceptuelles établies par l’artiste impliqué.e dans une exposition sont essentielles à considérer dans le déploiement discursif relatif à son œuvre. Veiller à ce qu’un soin particulier émane de ses échanges avec l’artiste et de l’élaboration de circonstances de diffusion spécifiques et adaptées à son propos m’apparait tout aussi crucial. Il en est de même de la reconnaissance de ses biais et de la position à partir de laquelle certains enjeux nous sont légitimes, position qui est, quant à moi, indispensable. Abordés sous différents angles dans un incessant cycle d’allers et retours, ces notions me permettent de questionner mes intentions. En effet, elles contribuent à définir les moyens à prendre et les ressources à mettre à disposition des artistes et du public pour traduire une prémisse conceptuelle en une plateforme d’échange. Plus encore, penser les limites, le soin et la reconnaissance m’éclaire quant à ma volonté de créer un dispositif communal qui est ancré dans le contexte où il se déploie, qui s’imprègne dans la durée et ce faisant, cultive le lien social. Ainsi, j’envisage ma pratique artistique et commissariale comme une posture politique constructive et concrète dans une société productiviste. Il s’agit d’une tentative d’y opérer un détournement de l’attention et une proposition d’y prendre un temps d’arrêt – ou du moins, un certain recul.